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  • Writer's pictureelodie martin

Où est passé notre postpartum?

Depuis la nuit des temps, les naissances étaient l'affaire des femmes.


Toutes les femmes du village (les co-mères), orchestrées par les matrones, se réunissaient autour de la nouvelle maman pour lui prodiguer des soins, l'aider dans les tâches ménagère et pour s'occuper du nouveau-né.


Les matrones (lavandières, bonne mères, accoucheuses, etc.) étaient des femmes choisies par la communauté. Elles n'avaient pas de formation médicale mais des connaissances empiriques transmises par oral de génération en génération.

Ces femmes étaient ménopausées et étaient un peu comme les "grand-mères" de la communauté, gardiennes des croyances et des rites ancestraux de la naissance. Elles étaient présentes lors des accouchements, prenaient soin des nouvelles mères et des nouveau-nés en post-partum, et elles avaient aussi pour mission de faire la toilette des morts avant les funérailles.



Une transition de 400 ans.


Mais à partir du XVIème siècle, les hommes et la médecine ont eu la volonté de s'imposer, afin de réduire la mortalité maternelle et infantile.

Au début du XIXème siècle, il faudra un diplôme pour exercer le mêtier de sage femme et les matrones vont se retrouver hors la loi. Cependant, leur rôle va perdurer, surtout dans les campagnes, et elles seront appelées "les femmes qui aident".

Puis, à partir de 1952 (le grand déménagement), la majorité des accouchements se déroulera à l'hôpital, et petit à petit, les matrones ont disparu.


Tout est allé alors de plus en plus vite : les découvertes scientifiques, la médecine, les nouvelles technologies ont apporté plus de confort, de praticité et de sécurité. Les conditions d'hygiène et de vie en général se sont nettement améliorées. On a plus de facilités à se nourrir, à se procurer ce dont on a besoin, : aujourd'hui, en quelques clicks on peut se faire livrer des repas, du matériel, des vêtements enfin tout!


Petit à petit, on a commencé à croire que tout ce matériel, toutes ces nouvelles technologies et avancées allaient nous simplifier la vie. On s'imagine que parce qu'on a l'eau et l'électricité, les machines à laver, les téléphones portables, les poussettes super high tech ou les biberons connectés derniers cris on est à l'abri de tout inconfort.


En réalité, rien n'était mieux ou moins bon qu'avant ou après!


On a cru que dépenser tout l'argent qu'on a gagné à travailler 35h/semaine en matériels et gadgets nouvelle technologie allait nous simplifier grandement la vie.

Plus besoin de porter bébé, la poussette est ultra confort, rentre facilement dans le coffre de la voiture et fait aussi siège auto!

Plus besoin de le bercer non plus avec le transat connecté qui chante des chansons et se balance tout seul simplement en appuyant sur un bouton.

On achète des armoires en plus pour stocker les 50 body et 40 pantalons que l'enfant portera seulement une fois dans sa vie car il grandit trop vite...


Et oui, en effet, il y a quand même eu beaucoup d'améliorations dans nos vies (merci à l'inventeur de la machine à laver!!).

Les avancées en médecine permettent aujourd'hui de sauver de nombreuses vies.

Les conditions d'hygiène ne sont même plus comparables, et on a la possibilité d'avoir accès à de la nourriture plus facilement (pour la plupart d'entre nous).


Et puis, quand le lave vaisselle fait son boulot tout seul et que le robot passe l'aspirateur tout seul dans la maison, et bien on a beaucoup plus de temps à consacrer à notre bien-être ! Et ça c'est chouette!


Mais je ne peux tout de même pas affirmer qu'avant c'était "nul" et que maintenant c'est "mieux", ou l'inverse d'ailleurs.


Non, c'est simplement différent!


Et la reine des reines de notre société est : la femme enceinte!


La grossesse est un temps hors du temps : on se fait masser, on fait du yoga prénatal, des préparations à la naissance, et des soins en tout genre.

La femme enceinte est une reine qu'on doit laisser passer en priorité à la caisse des supermarchés et à qui on doit céder sa place dans le métro.


On s'occupe bien d'elle, on la bombarde des pubs pour tout plein de matériel de puériculture pour lui simplifier la vie pour après, pour quand elle va redescendre de son piédestal.


et après?


Après avoir accouché dans de plus ou moins bonnes conditions à la maternité (dépendant de la maternité, ou de l'équipe qui est de garde à ce moment-là par exemple), on rentre chez soi, le porte monnaie vidé, du matériel plein la maison, la poussette dernier cri dans le coffre de la voiture, assortie au siège-auto ultra sécurité ++.

Le vagin béant, le périnée mutilé, on remplit des serviettes de sang calées dans des culottes/filets en plastique en écoutant son bébé pleurer à cause de ses reflux, en galérant à le mettre au sein (parce que la sage femme a dit que, mais la conseillère en lactation a dit le contraire et que la cousine a dit encore autre chose), seule.

Entourée de tous ces vêtements neufs, ces doudous de toutes les formes et toutes les couleurs, la sensation d'avoir un trou béant à la place de l'utérus, on pleure en silence notre vie d'avant, installée confortablement dans notre super canapé cocooning à 2000 euros...


Le fameux baby-blues qui touche 50 à 80% des femmes et qui est tout à fait normal...


Normal vous en êtes sûrs?


Certes, toutes les femmes ne vivent pas les choses de cette manière... Seulement 10 à 20% des femmes sont touchées par la dépression du postpartum...


Selon une enquête de la santé publique "la part des femmes ayant déclaré se sentir « bien » sur le plan psychologique durant la grossesse est en diminution (63,2 % en 2021 versus 67,7 % en 2016)".

Ce qui n'est pas logique au vu de toutes les découvertes et améliorations apportées ces dernières décennies non?


Et un petit mot sur les violences obstétricales?

D'après le CHU de Reims "L’accouchement, souvent décrit comme un événement magnifique, peut être une expérience traumatique. Dans la population générale, 30 à 45 % des mères le qualifient comme tel.

Parmi ces femmes, 3 à 6 % développent un trouble de stress post-traumatique périnatal dans les suites de leur accouchement. Ce pourcentage atteint 18 à 19 % chez les mères qui ont connu des complications sévères durant la grossesse ou au moment de l’accouchement.

Enfin, 5% des partenaires présentent un trouble de stress post-traumatique dans les suites de l’accouchement de leur compagne, 15% en cas de complications durant la grossesse ou l’accouchement."


Alors qu'est ce qui cloche?


En 2023, avec toutes les connaissances et tous les moyens que l'on a aujourd'hui, comment se fait-il que les femmes de nos sociétés modernes se sentent de plus en plus mal après un accouchement?


Est-on devenues fragiles ou trop difficiles à force d'avoir tout ce confort? (c'est ironique évidemment).

Non en réalité, ce qui nous manque à mon sens, et qu'on a perdu en même temps qu'on a gagné d'autres choses, c'est cette communauté de femmes qui s'occupaient des autres femmes.

En réalité, je pense qu'on pleure cette sororité, ce village qui venait autrefois célébrer la naissance d'un enfant, prendre soin de la nouvelle mère et de son bébé, s'occuper des tâches ménagères ou des enfants plus grands.

Ce sont ces femmes avec qui on pouvait parler, qui nous apportaient soutien, bienveillance et soins.


Car avec toutes les avancées médicales qui nous ont permis de soigner des pathologies périnatales diverses, et améliorer les conditions d'hygiène, nous avons eu également des personnes portant un pénis, qui n'ont jamais eu à se fragmenter en mille morceaux et à s'ouvrir pour laisser passer un bébé de 3kg par leur vagin, qui sont venus nous dire comment il fallait qu'on s'occupe de nous.


Le souci de réduire la mortalité maternelle et infantile n'est-il pas devenu notre propre ennemi, créant toutes ces peurs, voire ces phobies, autour de la naissance ?


Je ne veux pas rentrer dans des histoires de patriarcat, de féminismes etc. C'est juste un fait : cela fait très peu de temps que le monde médical s'est intéressé au monde des naissances. Et en très peu de temps, on a supprimé tout ce qui était bénéfique pour les personnes qui portent un utérus, par peur.


Alors si aujourd'hui on peut remercier tous ces médecins, tous ces chercheurs et scientifiques qui se sont intéressés aux femmes, remercions toutes ces personnes qui ont contribué à réduire le taux de mortalité maternelle et infantile, et remercions tous ces médecins et sage-femmes qui font un travail incroyable auprès des familles en périnatalité.


Et c'est justement grâces à toutes les connaissances auxquelles on a accès aujourd'hui qu'on va pouvoir revenir à un équilibre.


Il est temps de garder ce qui est bon, refuser ce qui est mauvais et faire revenir d'anciennes traditions, savoirs et pratiques!


Pourquoi se contenter de ce qu'on a et dire "c'est comme ça" ou pire "et encore avant c'était pire!"

Non! On a tout ce qu'il faut pour faire mieux. Les connaissances sont là (enfin presque toutes...)!


Certes, en Europe, nous avons perdu beaucoup de connaissances ancestrales, qui étaient à l'époque transmises par voie orale. Mais nous avons tout de même des archéologues, anthropologues et chercheurs qui s'intéressent à ce monde des naissances perdu et qui font un travail formidable pour décrire ces sagesses anciennes.


Et les connaissances que l'on a retrouvées, on peut se les réapproprier, les transformer et les adapter à notre société moderne, pour améliorer nos vies, faire toujours mieux, évoluer!


D'ailleurs, ce sont les femmes, les familles, les couples les enfants qui le demandent. En témoigne tout cet engouement pour les soins du post-partum venus des 4 coins du globe (exemple le soin rebozo...).

On en a besoin et on le recherche!


Mais ce qui est formidable quand on s'intéresse d'un peu plus près à tout cela, c'est que partout dans le monde, dans toutes les cultures, on retrouve la même chose. Les rituels, croyances, pratiques sont différentes, mais partout on retrouve en post-partum des serrages du bassin, des bains de vapeur (yonisteam) et l'utilisation des plantes sous diverses formes...


Alors on ne peut pas nier que puisque pendant des millénaires, partout dans le monde, l'humanité a ritualisé les naissances et pris soin des nouvelles mères, ce doit être vachement important non, vous ne pensez pas?

Car rappelons nous qu'à l'échelle de l'humanité, cela ne fait qu'une seconde qu'on a arrêté toutes ces pratiques (en Europe du moins).


Alors réapproprions nous nos sagesses ancestrales du postpartum!


En Europe, nous avions donc des pratiques de serrage du bassin, bain de vapeur, cataplasmes de plantes etc.

Ces soins me parlent, me font vibrer et me reconnectent à mes racines! Et j'ai très à cœur de contribuer à les faire renaître.


Je ne dis pas que tout le monde devrait adopter les sagesses ancestrales européennes autour de la naissance. Je pense que toutes ces pratiques du monde entier sont superbes, magnifiques, importantes et bénéfiques. A chacun de voir ce qui le fait vibrer, ce qui lui parle.


Peu importe que l'on aille chercher les sagesses des peuples de l'autre bout de la planète ou celui du pays dans lequel on vit, l'important est de faire ce qui nous fait du bien!


Nous ne sommes pas reines seulement pendant la grossesse!


Nous sommes des reines toute notre vie d'ailleurs. Et surtout, après avoir mis au monde un petit être.


Rendez-vous compte de la force, la résilience et la sagesse dont les personnes qui portent un utérus font preuve en s'ouvrant littéralement au passage d'un bébé, puis en nourrissant et maintenant en vie cet enfant les mois et les années qui suivent!


Et pour pouvoir faire tout cela, il faut être en bonne santé mentale et physique. Prenons soin des nouvelles mères!

Allons célébrer les femmes de nos villages qui viennent d'enfanter, allons les aider à accueillir cette nouvelle maternité, à s'acclimater à cette nouvelle vie et faire face à tous les challenges que propose la parentalité!


Et surtout, accueillons les pénis à nos célébrations! Nos partenaires, nos hommes du nouveau paradigme n'attendent que ça!


Pour en savoir plus sur le soin des matrones, c'est par là!


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